Se déroulant de juin à fin août, Le « Grand mariage » est une fête fastueuse et traditionnelle
Chaque année, dès le début du mois de juin, on entend parler partout à Mayotte du «Grand Mariage» (ou «Haroussi») , une fête exceptionnelle d’une durée d’une semaine qui, en plus de sceller – une deuxième fois- l’union d’un couple, est l’occasion pour les familles concernées et particulièrement celle du mari de montrer à tout le village, sinon à toute l’île, sa richesse
Une «deuxième fois» parce que ce couple s’est d’abord - et souvent plusieurs années avant qu’il puisse réunir l’argent pour célébrer cette fête – marié sans faste devant le «cadi», juge et dépositaire du droit coranique. On peut assimiler cet acte à notre mariage civil métropolitain.
De la réussite de cet événement majeur, qui dure une semaine durant laquelle des dizaines de personnes (famille, amis et habitants du village du marié) sont invitées tous les jours à festoyer, dépend l’image même des familles concernées.
Les dépenses engagées sont exorbitantes : plus le mariage est coûteux, plus les familles qui le fêtent sont couvertes d’honneur !
Heureusement, la plupart du temps, les mères des deux familles appartiennent à des «Shamas», associations de femmes qui se mobilisent à cette occasion pour apporter à chaque famille l’aide logistique et financière nécessaire (voir encadré). Mais de plus en plus de voix, au sein même de la communauté sunnite, s’élèvent pour critiquer ces dépenses qui endettent souvent les familles pour des années !
Traditionnellement, un Grand Mariage se célèbre une seule fois, aussi bien pour l’homme que pour la femme.
L’accomplissement de cette cérémonie permet à l’homme de passer du statut de «fils» à celui de «père» et d’accéder ainsi à une position sociale qui lui permet de participer avec les autres hommes aux débats nécessitant des prises de décisions concernant l’ensemble de la communauté.
Les grandes phases de cette semaine de festivités
Nous ne pouvons ici raconter en détails toutes les phases de cette semaine de festivités. En voici les principales :
L’attente de la mariée
Durant huit jours, la mariée est dans la maison que lui a construite sa famille ou que lui a cédée sa mère, dans sa chambre, sur son lit (souvent à baldaquins), maquillée et habillée le plus fastueusement possible. Elle reçoit la visite des invités et n’a en aucun cas le droit de mettre le nez dehors !
La réunion des hommes
La première des festivités du « Grand mariage » est le Madjilisi, réunion exclusivement réservée aux hommes qui chantent des mélodies religieuses évoquant la vie du prophète.
La marche nuptiale
Le «M’chogoro» - ou marche nuptiale - est l’une des festivités majeures du « Grand Mariage » et celle que vous, voyageur, pourrez admirer car elle se déroule aux yeux de tous, dans les rues des villages. Il s’agit d’accompagner – très lentement ! - le marié chez sa femme qui l’attend, toujours sur son lit. Un cortège d’hommes et de femmes. Le cortège d’hommes est positionné devant le marié encadré par ses « témoins », lui ouvrant le chemin en chantant et dansant. Entêtant et lancinant ! Le marié et ses deux amis (ou frère et père) sont parés d’habits somptueux qui rappellent l’élégance des sultans. Protégés sous des ombrelles, rafraîchis par des éventails que trois femmes agitent devant eux en marchant à reculons, ils ont souvent une cigarette à la bouche, non allumée. «Un signe de puissance … ou juste de la frime, suivant les cas» me dit-on. Les femmes, membres du Shama, forment derrière ce cortège un groupe qui chante et danse le M’biou.
Parmi elles, deux ou trois femmes choisies dans le Shama exhibent à bout de bras les parures de bijoux de la mariée et la dot dans une petite valise.
L’arrivée chez la mariée et le festin
Après une courte prière de l’Imam au seuil de la porte, le marié pénètre dans sa nouvelle maison et rejoint son épouse dans sa chambre. Des cris de joie ponctuent cette étape.
Dans la cour de la maison, des nattes ont été étendues sur le sol. Dans un coin sont entassés tous les cadeaux en appareils ménagers offerts par le mari à sa femme – sans papier-cadeau pour que tout le monde puisse voir précisément leur contenu ! Du vulgaire balai à la télé à écran plat ! Des femmes appartenant au Shama arrivent de toutes parts avec d’immenses marmites, plats, coupes de fruits. Un notable ou le cadi prend la parole pour évoquer la généalogie des deux familles et annoncer la dot.
Puis c’est le festin, ponctué de chants et de danses, qui se terminera très tard dans la nuit.
Ces réjouissances clôturent les festivités nuptiales !